Piano

Piano

Piano
Image illustrative de l'article Piano
Piano à queue (gauche) et piano droit (droite)

Variantes historiquesPiano-forte, Clavicorde
ClassificationInstrument à cordes frappées
TessitureRange of piano.svg

Le piano est un instrument de musique polyphonique à clavier de la famille des instruments à cordes frappées.

Le nom de l’instrument provient d’une abréviation de piano-forte, nom de son ancêtre du xviiie siècle décrit précisément par son inventeur comme un « gravecembalo col piano e forte », un clavecin avec la possibilité denuancer le son directement par la frappe des touches, ce qui jusque-là était pratiquement impossible avec les autres instruments à clavier et ainsi de jouer aussi bien piano, (doucement) que forte (fort). (De nos jours, en France, on réserve le nom de pianoforte aux instruments anciens, assez différents du piano moderne.) L’appellation « piano » courante en anglais et dans les langues latines hormis l’italien où il se nomme toujours pianoforte varie d’une langue européenne à l’autre. Dans l’ambitus des langues germaniques on l’a d’abord appelé Hammerklavier (spécification inscrite par Beethoven en tête de sa sonate op. 106 : Grosse Sonate für das Hammerklavier c’est-à-dire « Grande sonate pour « clavier à marteaux » ») d’où est resté en usage l’abréviation Klavier toutefois différenciée du Flügelabréviation de l’ancien Hammerflügel (aile à marteaux) nommant le piano à queue, mais il en existe d’autres comme, par exemple, zongora en hongrois, ou encore en russe Фортепьяно (fortepiano -autre appellation italienne) pour le nom générique, рояль (« royal ») pour le piano à queue, пианино (pianino : petit piano en italien) pour le piano droit qu’on appelle aussi, de manière plus formelle, Вертикальное фортепьяно (piano vertical, comme en espagnol), etc.

Généralités

Le son musical du piano est produit par la vibration de ses cordes tendues devant une table d’harmonie, à laquelle elles transmettent leurs vibrations par l’intermédiaire d’un chevalet.

Elles sont frappées par des marteaux couverts de feutre, actionnés par l’enfoncement des touches du clavier. La vibration des cordes est arrêtée par un étouffoir en feutre (mais plus mou) lorsque la touche du clavier est entièrement relâchée.

Le piano possède un pédalier (appelé « lyre » sur les piano à queue -à cause de l’allure qu’on lui avait donnée à une époque) de généralement trois pédales (jadis deux et aujourd’hui quelquefois quatre), permettant d’augmenter son potentiel expressif en modifiant le son. Elles agissent donc sur ce qui touche les cordes, soit les étouffoirs en étendant les phénomènes de résonance ou encore sur les marteaux, modifiant alors le timbre :

la pédale de droite (pédale forte) soulevant l’ensemble des étouffoirs permet de prolonger la vibration des cordes pour créer des « atmosphères harmoniques » ;

la pédale de gauche est une sourdine (appelée aussi una corda) qui, sur les pianos à queue, décale la mécanique de sorte à ce que les marteaux ne frappent que deux cordes au lieu de trois, tandis que sur les pianos droits ce même effet s’obtient en rapprochant les marteaux des cordes pour en diminuer l’accélération ;

la pédale du milieu (jadis optionnelle aujourd’hui seulement absente de certains pianos droits) est :

une pédale tonale ou pédale sostenuto sur tous les pianos à queue modernes, héritage du xixe siècle. Elle permet de prolonger uniquement le son des notes enfoncées au moment de son utilisation, gardant ainsi levés uniquement les étouffoirs correspondant à celles-ci ;

une sourdine, dans nombre de pianos droits, (lanière de feutre mince qui vient se loger entre les marteaux et les cordes) pour assourdir considérablement l’instrument. Il s’agit exclusivement d’un accessoire de travail pour rendre l’instrument discret. Aucun répertoire ne demande cette option ;

très rarement un accessoire qui soulève les étouffoirs au-dessus des cordes de basses dans certains pianos droits et petits pianos à queue, héritage du début du xixe siècle ;

la quatrième pédale, d’un usage peu répandu, a soit le même effet que la pédale de gauche des pianos droits (Fazioli, Stuart & Sons), soit est dite pédale harmonique (Feurich) et se propose, lorsqu’on l’enfonce entièrement de lever tous les étouffoirs sauf celui de la note jouée. Elle a été mise au point par Denis de La Rochefordière.

Écouter un exemple du Son? son d’un piano [Fiche]

Histoire

Invention du piano-forte

Créé au début du xviiie siècle par le padouan Bartolomeo Cristofori, à Florence, sous l’appellation de Gravecembalo col piano e forte, le piano naît de l’évolution d’un instrument appelé clavicorde (xve siècle) et du tympanon ou cymbalum (Moyen Âge), sortes de cithares plates à cordes martelées à la manière des xylophones.

La date de fabrication du premier piano-forte par Cristofori est incertaine, mais un inventaire réalisé par ses employeurs, la famille Médicis, indique l’existence d’un instrument en 1698, encore qu’on parle d’un instrument fonctionnel en 1709. Cristofori n’aura construit en tout qu’une vingtaine de piano-forte jusqu’à sa mort en 1731, améliorant sans cesse son invention, sans qu’elle devînt un succès commercial malgré la qualité des instruments qui ne fut pas d’emblée égalée par Silbermann, le premier et principal successeur de renom allemand qui en fabriqua, dès 1726, d’après les schémas publiés en 1709 d’où les trouvailles ultérieures de Cristofori étaient naturellement absentes. Le défi consistait à adapter un clavier au cymbalum, ce qui revenait à actionner avec un clavier – et avec un bon degré de maîtrise – les marteaux du cymbalum tout en liant l’effet de ce dernier à l’étouffement du son. Cristofori n’est peut-être pas le premier à avoir relevé le défi mais il y a bien consacré quelque trente années de sa carrière avec un succès technique indéniable quoique non reconnu de son vivant. Le lien du piano avec le clavecin (instrument à cordes « pincées » par un ou des plectres, et sans maîtrise manuelle de l’intensité) est partiel puisqu’au début il hérite de sa forme avec sa partie harmonique mais se différencie par son mécanisme. Son amplitude sonore et expressive alliées au développement du concerto l’amèneront postérieurement à le concurrencer. On considère que seuls trois instruments parvenus jusqu’à nous sont sûrement de la facture de Cristofori et datent de 1720 pour celui de New-York, de 1722 pour celui de Rome et de 1726 pour celui de Leipzig (qui est donc contemporain du premier de Silbermann, pas conservé).

Les premiers pianos ont particulièrement profité des siècles de travaux et de perfectionnements apportés au clavicorde, notamment par le raffinement des méthodes de construction des structures (en bois à cette époque), ainsi que celles de la conception de la table d’harmonie, du chevalet et du clavier, peu standard aussi bien en taille qu’en allure. Cristofori était lui-même un facteur de clavicordes et de clavecins, bien au fait des techniques de fabrication de tels instruments et des connaissances théoriques associées à celles-ci.

La découverte fondamentale de Cristofori est la résolution d’un problème mécanique intrinsèque aux pianos : les marteaux doivent frapper les cordes mais cesser d’être en contact avec elles une fois frappées afin de ne pas étouffer le son ; ils doivent, de plus, retourner à leur position initiale sans rebondir violemment, et cela rapidement pour permettre aux notes d’être répétées à une vitesse satisfaisante. La mécanique doit donc être d’une violence finement contrôlable mais toujours amortie, ce que Cristofori réussit admirablement. Faut-il s’en étonner venant de la patrie d’ingénieurs comme Léonard de Vinci – à 40 km de Florence – (1452 -1519) et de luthiers juifs de Crémone comme Stradivari (1644 – 1737)? Cependant, ce problème d’alliance entre violence et douceur posera des problèmes de stabilité mécanique presque jusqu’à la mort de Mozart (1791), voire au-delà, à mesure que l’exigence à l’endroit de l’instrument croissait.

Ce nouvel instrument tout comme son auteur resteront confidentiels, mais pas l’idée, puisqu’en 1709 un article élogieux d’un écrivain italien, Scipione Maffei, connut un écho inattendu surtout en pays germanique. Il y incluait au moins un schéma de son mécanisme. Les facteurs de piano-forte des générations suivantes, directement ou indirectement au fait des travaux de Cristofori, les copièrent ou s’en inspirèrent pour les modifier. En 1717 on trouve une présentation d’un « clavecin à maillets » à l’Académie Royale des Sciences de Paris, par un certain Jean Marius, ou encore la même chose à Dresde ou Leipzig par Christoph Gottlieb Schröter (de) âgé alors de 18 ans et qui n’a jamais construit de piano. On peut se demander s’il ne s’agit pas là « d’emprunts » (cette pratique ayant existé depuis l’antiquité).

Néanmoins personne de notable n’en produisit jusqu’à ce que Johann Gottfried Silbermann (1683 – 1753), d’une famille de facteurs d’orgues très reconnue, n’en construise, en 1726. Les piano-forte de Silbermann étaient presque des copies conformes de ceux de Cristofori, à partir des plans de Maffei de 1709 qui n’incluaient pas les trouvailles postérieures, à une exception importante près : ils possédaient l’ancêtre de la pédale forte (se présentant sous la forme d’un levier difficilement utilisable pendant le jeu) qui permet de relever en même temps tous (ou par moitié) les étouffoirs sur l’ensemble des cordes ; presque tous les pianos construits par la suite reprendront cette innovation. Silbermann montra à Bach l’un de ses premiers instruments dans les années 1730, mais ce dernier ne l’apprécia pas, trouvant le clavier lourd, les aigus trop faibles et la distorsion trop importante lors de l’attaque pour permettre des dynamiques véritablement intéressantes. Si ces remarques lui valurent une certaine animosité de la part de Silbermann, il semble qu’elles furent prises en compte ; en effet, en 1747, Bach approuvera une version plus récente et perfectionnée de l’instrument sur lequel il venait d’improviser des fugues à la demande de Frédéric II de Prusse, lui-même acquis à l’instrument, puisqu’il en possédait quinze. Quoi qu’il en soit, quelques œuvres postérieures à 1730 dont celles du 2º tome des Exercices pour clavier (Le Concerto italien BWV 871 et l’Ouverture à la française BWV 831) portent nombre d’indications claires d’intensité piano et forte, pour un « Clavicÿmbel mit zweÿen manualen », mais qui ne correspondent qu’à la registration demandée, c’est-à-dire, en l’occurrence, au choix du clavier sur lequel on joue: le clavier supérieur en effet est en général plus doux que l’inférieur.

L’essor de la facture de pianos eut lieu d’abord en Allemagne, puisque, Silbermann non seulement construisit des pianos entre 1726 et sa mort (en 1753) mais encore il forma nombre de facteurs réputés pour leur inventivité et la qualité de leurs instruments. Parmi les plus connus, dans l’ordre chronologique, on trouve: Christian Ernst Friederici (1709 – 1780) d’une famille de facteurs d’orgues aussi, installé à son compte dès 1737, Americus Backers (en) (1720 ? – 1778), installé en Angleterre vers 1750 (la date exacte n’étant pas encore connue), Johannes Zumpe (en) (1726 – 1790) qui travaille à Londres dès 1756 pour le facteur de clavecins d’origine suisseBurckhardt Tschudi (en) (1702 – 1773, ayant anglicisé son nom en Burkat Shudi, beau-père de son illustre successeur John Broadwood). Zumpe s’installe à son compte en 1761 et, enfin, Johann Andreas Stein (1728 -1792) père de l’école viennoise (quoique n’ayant pas vécu à Vienne) qui, outre la transformation du système de levage manuel des étouffoirs en un mécanisme se présentant, jusqu’à la fin du xviiie siècle, sous la forme d’une ou deux genouillères (obligeant à lever le(s) genou(x) pour l’actionner au lieu de se servir d’une main) et qui, entre 1875 et 1885, réinterpréta le système d’échappement de Backers, créant la fameuse Prellmechanik(mécanique à heurtoir) qu’on a l’habitude d’appeler « mécanique viennoise ». Mozart ayant d’abord possédé, comme son père, des instruments Friederici devint un adepte de ceux de Stein en 1777.

La facture anglaise s’est développée à la suite des « douze apôtres », apprentis de Silbermann, s’étant installés à Londres, Backers étant l’inventeur, en 1772, du pilote mobile (véritable échappement) permettant une répétition plus rapide et forte. John Broadwood (en) (1762 – 1812) et Robert Stodart (en) (1748 -1831) sauront tirer profit des trouvailles. Broadwood, après avoir produit des pianos d’après les plans de Zumpe, commença à étudier scientifiquement la manière de les perfectionner en sollicitant la Royal Society et le British Museum dès 1788 ce qui semble avoir conduit à la création de la double table d’harmonie qu’on trouve encore sur les pianos Pleyel jusqu’à la moitié du xixe siècle. L’engouement pour le piano qui s’est développé entre la fin de la décennie 1770 et le début de celle de 1790 fut tel que Broadwood abandonna la fabrication de clavecins, devenus difficiles à vendre, dès 1793.

Durant la fin du xviiie siècle et le début du xixe siècle, l’école viennoise connut aussi son essor, comptant parmi ses membres, Anton Walter (en), Johann Andreas Streicher (de) et sa femme, Nannette Stein Streicher (de), fille du célèbre Johann Andreas Stein, devenue une remarquable factrice, Jakob Schelkle, moins connu puis, début XIXº, Conraf Graf (en). Les pianos de style « viennois » étaient d’abord fabriqués sans cadre avec seulement un barrage en bois, deux cordes par note, et des marteaux recouverts de cuir. C’est pour des instruments de ce type que sont écrits les concertos et sonates de Mozart et les premières œuvres de Beethoven, encore qu’il faille noter que sa sonate op. 13 de 1799 porte le titre de « Grande sonate pathétique pour le clavecin ou le piano-forte », ce qui laisse entendre une relativement faible diffusion de l’instrument à Vienne à cette époque. Haydn, quant à lui, n’introduit les indications de nuance dans ses sonates qu’à partir de 1780 (Hob. XVI: 35), bien après Mozart. Le développement de l’instrument fut tel que des compositeurs, interprètes et pédagogues de renom tels que Muzio Clementi se lancèrent dans la production et la vente d’instruments. Cet instrument avait un son plus doux et plus cristallin que celui des pianos modernes sauf à la frappe, particulièrement dans le forte, où il était plus criard ce qui imposait des précautions inhabituelles au clavecin mais qui s’estompèrent avec les progrès mécaniques. Cette clarté est perceptible dans l’écriture de Mozart à qui il arrive d’écrire des accords pleins à la basse qui sonnent de manière distincte (cf. concerto K 453, par exemple). Inutile de dire que l’effet de ce type d’écriture n’est pas le même, par exemple chez Bartók, un siècle et demi plus tard. L’introduction des améliorations venues d’Angleterre (notamment le renfort par des pièces en métal) se fit petit à petit, pour contrebalancer la concurrence des instruments Broadwood qui remportaient le suffrage des pianistes.

Quant à la France, la situation politique et économique de la fin du xviiie siècle et du début du xixe siècle faisait que son attrait était moindre que celui de l’Angleterre.

Le piano du xviiie siècle fut une affaire d’artisans et de créateurs parfois très ingénieux travaillant en atelier.

Développement et mutations du piano-forte

On peut parler d’une période transitoire du piano entre la mort de Mozart (en 1791) et celle de Schubert (en 1828) mais s’il y a bien une accélération des transformations durant cette période, une observation attentive donne plutôt l’impression d’un continuum de transformations qui, en s’empilant, aboutirent à ce que l’on perçoit comme une mutation.

Durant la longue période s’étendant de 1780 à 1890, le piano-forte de l’époque classique va subir de très nombreux changements qui vont l’amener à sa forme actuelle de « piano moderne ». Cette évolution de l’instrument a été motivée par le besoin permanent des compositeurs et des pianistes d’un son plus puissant et de plus grandes possibilités expressives. Elle fut permise non seulement par la révolution industrielle en cours mais par une étude plus scientifique des problèmes acoustiques et mécaniques de l’instrument qui a fini par dépasser les possibilités des artisans seuls travaillant en atelier, même les plus doués, mettant ainsi à disposition des facteurs de piano des procédés technologiques permettant, par exemple, de produire des cordes en acier de grande qualité et une plus grande précision d’usinage pour la production des cadres en fonte.

Certaines firmes poursuivirent leur recherches sur des mécaniques solides mais aussi légères que possible. Blüthner, créée seulement en 1853, en breveta une en 1885 qu’il installa sur différents modèles (y compris celui de concert de 2,80 mètres de long, jusqu’en 1915, un instrument étonnamment solide, puissant et léger), même si la répétition perdait un peu en rapidité. La diversité était de mise tant que l’inventivité permettait de faire mieux que ses concurrents, au besoin soit en y incorporant leurs nouveautés ou encore en prenant le contrepied. Néanmoins, la tendance générale de l’évolution de la mécanique fut vers l’alourdissement et il arriva même que certains modèles fussent évités en concert pour cette raison.

Quant à la tessiture, elle augmenta aussi conséquemment, passant de 5 octaves à l’époque de Mozart aux 7 octaves 1/4, et parfois plus. postérieurement 8 octaves voire, aujourd’hui, 8 1/2).

Au fil des années, les instruments devinrent plus grands, plus puissants, et plus robustes. Par exemple la firme Broadwood envoya ses instruments à Haydn puis àBeethoven qui apprécia notamment la solidité du clavier, par rapport aux viennois qui s’enfonçaient – disait-il -, puisqu’il tapait de plus en plus à mesure que sa surdité augmentait; sans doute son « transmetteur de vibrations buccal » n’était-il pas très efficace. Broadwood fut la première firme à construire des piano-forte avec une tessiture de plus de 5 octaves : 5 octaves 1/2 puis 6 entre 1789 et 1794 – faisant commencer certains au fa et d’autres au do – d’abord dans les pianos carrés puis, plus tard, dans les grands (ce qui permit à Beethoven de s’affranchir des limites courantes à partir de 1804 avec la Waldstein (op. 53) pour aboutir à 6 octaves et demie dès la fugue de la Hammerklavier (op. 106, de 1818) sans jamais aller au-delà, encore qu’aux mesures 114 et 115 il paraît difficile d’éviter le si bémol de 28,5 Hz qui n’a pris corps, chez Broadwood, que deux ans plus tard puisque ce dernier a, dès 1820, proposé des pianos de 7 octaves, commençant sur le la de 27,5 Hz (le la, A en anglais, est la première note pour l’Europe du Nord). Les facteurs viennois suivirent avec un certain retard cette tendance, en particulier et immédiatement Conrad Graf qui très rapidement cessa d’évoluer. Les deux écoles issues du XVIIIº se poursuivirent longtemps: celle de Broadwood visait la puissance et la robustesse, celle de Stein, plus sensible, la légèreté.

Naissance du piano moderne

Piano à queue Hansen

Le développement de l’instrument qui a conduit au piano que nous connaissons a été une collaboration concurrentielle entre des facteurs nombreux situés dans ce qui étaient – ou allaient devenir – les principales puissances mondiales possédant un usage social ou individuel développé de la musique (car il faut bien qu’il y ait un public à même d’acheter les nouveautés des facteurs). La bourgeoisie adoptant l’instrument et la pratique musicale, les musiciens-compositeurs sont passés du rang de laquais à celui de génies et les pianos ont épousé le développement industriel et scientifique. Il en va donc que ce sont les anglais, les allemands et, pour finir, les américains qui sont les acteurs de la transformation de l’instrument au xixe siècle siècle.

Au cours des années 1820, Sébastien Érard (1752-1831, un allemand de Strasbourg, facteur de pianos à Paris depuis 1777 et à Londres depuis 1797) et Ignace Pleyel (1757 – 1831, un autrichien de Ruppersthal, facteur de pianos à Paris depuis 1807), se firent une concurrence importante, adoptant l’un « l’école de la robustesse » l’autre celle « de la légèreté ». On sait que Chopin qui racontait que, dans son enfance, il avait eu un piano lourd, préférait Pleyel (qui lui offrait ses pianos) et Liszt, un mélange de virtuose et de « chevalier romantique » préférait, dans sa jeunesse, Érard. La firme Érard apporta certainement les innovations les plus importantes après son installation en Angleterre du fait de la concurrence directe avec Broadwood, surtout du point de vue de la mécanique de l’instrument. En témoignent plusieurs centaines de brevets qu’elle a déposés en France et en Angleterre décrivant des améliorations importantes dont le système à répétition double échappement, (dernier brevet de 1821) qui permet à une note d’être aisément rejouée même si la touche n’est pas encore revenue à sa position initiale ; une innovation que les grands virtuoses apprécieront avec le développement de la virtuosité (c’est-à-dire: la maîtrise la plus rapide possible des difficultés traditionnelles ou innovantes). Le système sera amélioré en famille puis par Henri Herz vers 1840; le principe dit du double échappement devint finalement le mécanisme standard des pianos à queue, utilisé par tous les facteurs. Pleyel, s’entoura d’excellents professionnels (Jean-Henri Pape, (1787 – 1875 un allemand de Sarstedt installé à Paris en 1811), et, quoique moins importants, Auguste Wolff (1821 – 1887) et Gustave Lyon, (1857 – 1936). Pleyel fit par ailleurs construire à Paris des salles de concert portant son nom (la Salle Pleyel que nous connaissons aujourd’hui a été inaugurée en 1927) et implanta la première usine électrifiée, préfigurant les méthodes de production modernes. Malgré tout, la production française aura été, à l’origine, un appendice du génie de l’école d’outre Rhin (Érard, Pleyel, Pape).

Henri Pape, à Paris, semble avoir été à l’origine d’innovations importantes : dès 1813 il filait (avec du cuivre) les cordes en acier pour les basses (procédé toujours en usage) et, en 1826, il remplace la couverture en cuir des marteaux par du feutre (de la laine de mouton ou, à l’époque parfois de lapin, bien tassée) permettant une harmonisation plus fine du timbre de l’instrument au moment de la frappe. Le triple cordage du médium et de l’aigu est généralisé par Broadwood, à Londres, dès 1817. Même si on connait l’usage, dans la cithare, de la corde en métal filée par étirement depuis la seconde moitié du XIVº siècle, l’emploi de l’acier filé au diamant se généralise dès 1834 et sa qualité n’a cessé de s’améliorer jusqu’à aujourd’hui; plusieurs fabricants réputés existent en Allemagne: Röslau, Vogel, Rose, Gug…. Alpheus Babcock, à Boston, achevant une tendance d’utilisation croissante de parties métalliques dans la fabrication du piano pour le renforcer, fond, dans les années 1824 – 1825, en une seule pièce le premier cadre (c’est-à-dire l’armature située au-dessus de la table d’harmonie servant à supporter la tension sans cesse croissante des cordes due aussi à leur nombre et à leur masse) et, en 1828, croise les cordes sur un piano carré, les cordes basses passant au-dessus des cordes blanches, et portent sur un chevalet séparé. Cette configuration répartit mieux les tensions mais permet surtout une plus grande longueur de cordes pour un moindre encombrement, tout en ramenant le chevalet des basses au centre de la table où la faculté vibratoire de celle-ci est plus importante, donnant une plus grande puissance à l’instrument. Il s’intéresse aussi à la couverture des marteaux. Jonas Chickering qui, ayant assimilé les innovations de son prédécesseur, deviendra le premier fabriquant de pianos du milieu du xixe siècle aux États-Unis, à Boston aussi, dépose le brevet d’un cadre analogue mais pour les pianos de concert, dès 1843. L’allemand Rönisch brevettera un cadre d’une seule pièce seulement en 1866, époque où Steinway réussit à dépasser en qualité Chickering. La pédale tonale inventée en 1844 par Jean Louis Boisselot est améliorée par Steinway en 1874. Le piano de concert moderne atteint sa forme actuelle dès le dernier quart du xixe siècle.

Marteaux recouverts de feutre

Si on devait résumer en termes nationaux: Sur une idée italienne reprise par les Allemands puis développée et industrialisée par les Anglais postérieurement rejoints par les Américains il en est sorti, il y a environ 150 ans, une synthèse constituant un standard aujourd’hui en vigueur. Liszt (1811 – 1886), à la fin de sa vie, posséda d’abord un Chickering puis un Steinway, piano qu’on trouve toujours de manière écrasante sur les grandes scènes internationales (son charme restant intact depuis un siècle et demi).

Depuis cette époque, seules des améliorations mineures ont été apportées à l’instrument; sauf peut-être l’une d’elles, l’ajout du capo d’astro par Steinway, en 1935, qui combiné à leur exceptionnelle table d’harmonie a été, semble-t-il, décisif pour cette marque puisqu’elle la consacra comme la référence internationale sans que quiconque ait pu véritablement la détrôner jusqu’à aujourd’hui; ce qui ne veut pas dire que d’autres marques ne produisent des instruments exceptionnels.

Le piano dans le monde

Entre le milieu et la fin du xviiie siècle, époque de la fabrication artisanale en atelier, on a construit des pianos dans bien des endroits, même en Espagne. Ces ateliers ont parfois survécu pendant la période industrielle et il en existe même encore aujourd’hui qui ne sont jamais très anciens, par exemple en France. En Amérique du Sud, l’Argentine a eu, au milieu du xxe siècle siècle à Pilar (province de Buenos Aires), un atelier de production de pianos. Dans d’autres pays industrialisés le piano a connu un développement spectaculaire, comme au Japon, Yamaha fondée en 1887 mais fabriquant des pianos depuis 1900, en plein boom de l’ère Meiji, qui produit aujourd’hui des instruments remarquables et fort prisés et poursuit sans relâche ses recherches en acoustique pour améliorer les instruments. Son savoir-faire a essaimé d’abord en Corée avec les pianos [Kawai]] et Young Chang et aujourd’hui c’est peut-être la Chine, avec le marché d’instrument de musique le plus grand du monde qui est probablement aussi le premier producteur. Pour l’instant les pianistes chinois sont plus reconnus que les pianos chinois. La Russie connut aussi un développement important de la fabrication de pianos au cours du XIXº siècle. Il y eut encore quelques usines en URSS mais la seule ayant résisté au temps malgré les difficultés, se trouve en Estonie et porte le nom d’Estonia (en).

Le piano moderne

Piano droit moderne

Pianoclavier.jpg

Photographie d’un piano moderne George Steck

Le clavier

Gamme des fréquences audibles sur un clavier de 10 à 12 octaves

Le clavier du piano moderne est composé le plus souvent de 88 touches. Les 52 touches blanches correspondent aux sept notes de la gamme diatonique, et les36 touches noires aux cinq notes restantes de la gamme chromatique.

Les touches du piano sont généralement faites en épicéa ou en tilleul, bois choisis pour leur légèreté ; sur les pianos de bonne qualité, l’épicéa est généralement préféré. Historiquement, les touches noires étaient recouvertes d’ébène et les touches blanches d’ivoire ; la disponibilité de cette dernière matière ayant drastiquement chuté depuis la mise en place de programmes de sauvegarde à destination des éléphants, des matières synthétiques ont dû être créées pour la remplacer. Des facteurs de piano sont même allés jusqu’à proposer des matières plastiques imitant la sensation ou l’aspect de l’ivoire (mais avec une meilleure stabilité dans le temps) aux pianistes désireux de jouer sur un instrument plus authentique ; on notera aussi qu’en guise d’ersatz de l’os ou de l’ivoire fossile sont parfois employés.

Le clavier n’a guère gagné qu’une demi octave entre le dernier instrument de Cristofori et la fin xviiie siècle passant d’abord de 54 à 60 touches puis, au cours duxixe siècle de 60 à 88, le standard d’aujourd’hui (même si Henri Pape présentait un piano de 8 octaves dès 1844; une excentricité encore à l’époque). Brahms exploite cette étendue standard dès 1881 dans son 2º concerto (op. 83) qui commence par un si bémol de 28,5 Hz et s’étend jusqu’au la dièse de 4 340 Hz (à la 58º mesure du 3º mouvement). Ce « standard » est parfois dépassé pour atteindre jusqu’à 102. Le facteur autrichien Bösendorfer -racheté mais respecté par Yamaha– en propose 97 depuis 1909 dans son modèle 290 dit « Impérial » qui descend ainsi jusqu’au do de 16 Hz, conçu à la demande de Busoni pour ses transcriptions d’œuvres pour orgue de Bach et, plus récemment, le facteur australien Stuart & Sons, avec des instruments de 102 touches, ajoute encore une quarte dans les aigus allant jusqu’au fa de5 467 Hz. Actuellement, Bösendorfer couvre de noir les touches normalement blanches afin de ne pas troubler les pianistes habitués au clavier de 88 touches tandis que Stuart & Sons ne propose pas d’aménagement particulier comme on le fit au cours du xixe siècle sans qu’on s’offusquât. Peu d’œuvres exploitent les claviers très étendus, les principales étant sans doute Une barque sur l’Océan (3º pièce des Miroirs, de 1905), où Ravel a écrit un sol de 24 Hz à la 47º mesure peut-être inspiré par les quelques Erard 3bis qui s’étendaient jusque là à son époque, puis Scriabine, en 1912, à la fin de sa 6º sonate, mesure 370 de la portée supérieure (et 365 de l’inférieure), a écrit un ré de 4 597 Hz, qui n’est jouable que depuis la fin du xxe siècle sur des pianos australiens comme le modèle « Grand Concert » à 102 touches du facteur tasmanien Stuart & Sons1, puis encore Bartók, en 1931, dans son 2º concerto, 295º mesure du 1º mouvement, descend au fa de 21 Hz et encore ailleurs au sol de 24 Hz (m. 305 du 1º mvt et m. 325 du 3º mvt.). Il semble considérer qu’il s’agit de l’étendue normale du clavier puisqu’il traite la transposition de l’orchestre de la même manière.

Il existe des exemplaires rares de pianos contemporains possédant moins de 88 touches et encore beaucoup de pianos anciens n’en possédant que 85. L’étendue de l’écriture d’une œuvre est un compromis du compositeur avec les moyens de son époque, certains d’entre eux militant par leurs œuvres pour l’extension de l’instrument, Beethoven en tête puisqu’il profita de son vivant d’une octave et demie supplémentaire. L’œuvre, pour être diffusée, doit rester exécutable sur les pianos dont disposent les futurs interprètes…

Le piano jouet, quant à lui, ne comporte généralement qu’une octave de Do5 à Do6 ou de Do4 à Do5. Certains modèles de la marque Michelsonne possèdent 2 ou3 octaves.

Le mécanisme

Mécanisme d’un piano à queue (légende)

Mécanisme d’un piano droit(légende)

L’un des mécanismes primordiaux du piano est le mécanisme d’échappement : en effet si la touche et le marteau étaient directement liés, lors de la propulsion de ce dernier vers la corde, il resterait bloqué sur celle-ci, entraînant un étouffement du son. Afin d’éviter cet assourdissement, le marteau est propulsé par l’intermédiaire d’une pièce en forme d’équerre, le bâton d’échappement, qui bascule en arrière lorsque sa partie horizontale atteint une butée réglable, le bouton d’échappement. Ainsi le marteau est libre de repartir en arrière dès qu’il a percuté la corde, qui peut alors vibrer sans être étouffée par celui-ci.

Pour éviter que le marteau ne reparte sans contrôle dans la mécanique, il se bloque dans l’attrape, pièce solidaire, pour les pianos droits, du chevalet (pièce de base du mécanisme, à ne pas confondre avec le chevalet de table d’harmonie, qui porte les cordes) ; pour les pianos à queue, de la touche.

Simultanément, l’enfoncement de la touche actionne l’étouffoir, permettant à la corde de vibrer librement jusqu’à ce que cette première soit relâchée.

Le système qui vient d’être décrit, et qui est présent sur tous les pianos depuis l’origine, a un défaut : tant que la touche n’est pas revenue entièrement à sa position initiale, on ne peut jouer à nouveau la note, ce qui pose problème pour le jeu rapide.

Afin de régler ce problème, Sébastien Érard inventa le système souvent appelé à tort double échappement. Dans ce mécanisme, on a ajouté un levier supplémentaire et un ressort placé de manière à repousser le mécanisme vers le bas et le marteau vers le haut. De cette façon, lorsque le marteau échappe à l’attrape par relâchement de la touche, il est aussitôt replacé au-dessus du bâton d’échappement, permettant de rejouer la note sans même avoir relâché la touche entièrement ; si le ressort est trop tendu, il arrive même que le marteau frappe par lui-même une seconde fois la corde : on nomme ce phénomène grelottage.

L’appellation « double échappement » est à éviter car il n’existe bel et bien qu’un seul mécanisme d’échappement dans les pianos, on préférera ainsi le terme de mécanisme de répétition.

Schéma d’un piano à queue en coupe (légende)

Le pédalier (appelé « lyre » sur un piano à queue)

Pédales de piano

Le pédalier d’un piano est généralement composé de deux ou trois pédales, éventuellement quatre.

  • À droite, la pédale forte sert à prolonger le son et à augmenter la résonance en relevant l’intégralité des étouffoirs, laissant les cordes vibrer librement.
  • À gauche, la pédale douce (ou una corda) permet de déplacer le clavier d’un piano à queue et les marteaux de telle manière qu’il n’y ait plus que deux des trois cordes attribuées à chaque note qui soient frappées ou, sur certains dispositifs, que les trois cordes soient frappées avec la partie moins tassée des marteaux. Sur un piano droit, cette pédale rapproche les marteaux des cordes, ce qui diminue la vitesse de frappe et allège le toucher. Dans les deux cas, le volume sonore est diminué et dans celui du piano à queue, le timbre de l’instrument subit aussi des changements car le mode vibratoire des cordes est différent suivant que deux ou trois d’entre elles soient frappées. Sur les pianos Stuart & Sons, les deux différents mécanismes de la pédale douce sont présents, ces pianos possèdent donc quatre pédales en lieu et place des trois habituelles.
  • Sur certains pianos, la pédale du milieu est une pédale de soutien aussi dénommée sostenuto ou tonale qui permet de tenir une ou plusieurs notes déjà jouées et en train de résonner au moment où cette pédale est enfoncée. Cette pédale est bien plus souvent présente sur les pianos de concert que sur les pianos d’étude, et le répertoire pianistique n’en fait qu’un usage limité aux besoins de l’interprète; on peut par exemple s’en servir avec un effet très heureux entre les mesures 101 et 102 du 1º mouvement du 2º concerto de Brahms; le type d’écriture semble le suggérer.
  • Sur certains pianos droits, la pédale du milieu est une sourdine, appelée parfois pédale d’appartement ou pédale moliphone. Elle sert à réduire le volume sonore grâce à un feutre s’intercalant entre les marteaux et les cordes lorsqu’elle est enclenchée. Cette sourdine ne joue aucun rôle dans l’interprétation mais sert uniquement à amenuiser le son afin de ne pas déranger l’entourage du pianiste.
  • Sur d’autres pianos droits, principalement américains, la pédale du milieu est une pédale forte qui ne fonctionne que pour les notes graves, le plus souvent à partir du 2e Mi jusqu’au premier La.
  • Sur certains pianos équipés de capteurs MIDI et d’un synthétiseur additionnel, la sourdine peut avoir été supprimée, et la pédale du milieu actionne alors une barre rotative garnie de caoutchouc, qui arrête la course des marteaux avant qu’ils ne touchent les cordes, permettant de jouer sur la seule partie électronique de l’instrument, le toucher reste plus proche d’un piano que certains claviers électroniques, mais le fait de devoir arrêter les marteaux plus loin des cordes entraîne un léger dérèglement du fonctionnement optimal, ce qui dégrade légèrement l’acoustique normale ou demande des corrections de l’intonation des marteaux (renforcer le timbre pour le préserver malgré la propulsion moins grande du marteau). Ces systèmes s’installent en général assez facilement sur tout piano droit et même sur des pianos à queue.
  • Lorsqu’elle existe, la quatrième pédale, dite pédale harmonique, a un double effet : lorsqu’elle est enfoncée à moitié – en rémanence –, les étouffoirs se soulèvent, et seuls les étouffoirs des notes jouées retombent au relâchement des touches ; c’est l’inverse de la pédale tonale. Lorsqu’elle est enfoncée complètement – en résonance –, elle se comporte comme une pédale forte ordinaire. Cette configuration permet d’insérer au milieu d’une séquence de résonance générale une gamme articulée par les étouffoirs. La résonance générale demeure ainsi jusqu’au relâchement complet de la pédale, avec un ou plusieurs traits de notes articulées joués au cours de cette séquence.

Partie acoustique

Cordes et étouffoirs dans un piano à queue. Les cordes aiguës (en acier) croisent les cordes graves (en cuivre)

Pointes d’accroche des cordes, chevalet.

Les cordes

Les cordes sont en acier extrêmement solide et sont de diamètre variable : d’environ 0,8 mm pour les notes les plus aiguës jusqu’à 1,5 mm pour les notes les plus graves. Les cordes des graves sont dites filées dans la mesure où elles sont gainées d’un fil de cuivre destiné à les alourdir, ce qui leur permet de vibrer plus longtemps permettant ainsi de maintenir la base tonale des œuvres où se fonde la polyphonie.

Chaque corde est tendue entre une cheville, qui sert à l’accordage, et une pointe d’accroche. Chaque corde est calculée en diamètre et longueur pour être à une tension donnée (environ 80 kg) lorsqu’elle est accordée à sa fréquence fondamentale, elle devra alors recevoir une tension suffisante pour pouvoir conserver l’énergie qu’elle reçoit lors de l’impact du marteau et la retransmettre le plus longtemps possible à la table d’harmonie.

Au-delà d’une certaine tension, la corde se déforme, et casse ; en deçà, une certaine élasticité est préservée. Plus importante quand la corde est neuve, et par ce fait cause d’un désaccord plus rapide, cette élasticité se dissipe petit à petit en quelques années, permettant alors une meilleure stabilité de l’accord. Certains procédés sont employés en usine et en restauration pour diminuer rapidement l’élasticité (surtension, chaleur), qui est la cause du besoin de plusieurs accords annuels les 2 premières années de la vie d’un instrument, (voir pour cela les brochures des constructeurs). La trop grande raideur des cordes anciennes nuit quant à elle au timbre, et induit la nécessité de parfois devoir les remplacer sur les pianos de bonne qualité.

Il y a plusieurs manières d’attacher les cordes à la pointe :

  • Montage indépendant de toutes les cordes par des bouclettes ;
  • Montage à cheval, chaque corde faisant un aller et retour ;
  • Montage mixte, pour éviter qu’une même corde serve à deux notes différentes : les notes à cordes triples sont montées avec une corde en aller et retour et une corde en bouclette.

Aucun de ces trois montages n’est clairement meilleur que les autres, si ce n’est que sur un montage en bouclettes, lorsqu’une corde casse, il reste deux cordes vibrantes, alors que sur montage à cheval, ce n’est pas toujours le cas.

La cheville est plantée dans une pièce en bois dur ou, le plus souvent aujourd’hui, multiplis nommée sommier. La tension des cordes étant d’environ 800 N, les250 cordes d’un piano exercent une traction de plusieurs tonnes, par exemple vingt tonnes pour un piano de concert moderne.

La longueur vibrante de la corde est comprise entre une agrafe, une barre du cadre, ou un sillet, et le chevalet de la table d’harmonie.

Le montage par agrafes est meilleur dans les graves, le montage par un sillet rigide est meilleur dans les aigus, ce qui fait que la plupart des pianos ont un montage mixte.

La corde présente une bien trop petite surface pour produire un son exploitable. Elle transmet donc sa vibration à la table d’harmonie par le chevalet, grâce à la position surélevée de ce dernier par rapport aux agrafes et aux pointes d’accroche. Cette position permet à la corde d’appuyer sur la table d’harmonie et de transmettre plus facilement son énergie vibratoire tout en rigidifiant la table, ce qui en améliore le rendement jusqu’à un certain point. C’est la charge.

De nombreux pianos modernes sont équipés de « maisonnettes » ou « d’échelles duplex » dans les aigus et le haut médium, ce sont les petits sillets situés entre le chevalet et la pointe d’accroche, inventés par Steinway, qui ont pour objet de créer une harmonique supplémentaire pour enrichir les sons aigus. Leur rôle prête à controverse, accordés à la fréquence de la note ils réduiraient l’énergie de la corde par un effet de filtre, légèrement désaccordés, ils rajouteraient de la brillanceinharmonique, qui se mélange au spectre déjà naturellement inharmonique des cordes de pianos ; la deuxième solution semble donc plus appropriée…

Julius Blüthner utilise une corde supplémentaire ajoutée à chaque chœur appelée « système aliquote », elle n’est cependant pas sollicitée par le marteau, et accordée précisément à la hauteur d’un partiel.

Celle-ci rentrant en résonance par sympathie ajoute une composante soyeuse au timbre. Un déséquilibre de phase est automatiquement présent dans la vibration simultanée des 3 cordes en acier d’une note de piano, générant des modifications dans le timbre lors de la décroissance du son.

Les notes les plus graves n’ont qu’une grosse corde par note (corde filée), les intermédiaires ont deux cordes, les aiguës trois, (deux sur les pianos-forte anciens, d’où le nom d’una corda donné à la pédale douce).

Un piano à quatre cordes par chœur a été fabriqué par l’italien Borgato, les 4 cordes permettant sans doute un équilibrage des phases 2 par 2, le son est alors plus puissant mais la décroissance de l’harmonicité du son rémanent est peut être plus prévisible, c’est-à-dire que si une corde vient à se désaccorder, il serait plus fréquent d’avoir une fausse note que sur un piano classique à 3 cordes par chœur.

Les cordes sont frappées par des marteaux, initialement munis d’une petite tête en bois recouverte de cuir sur le piano-forte ; ils sont actuellement munis d’une grosse tête recouverte de feutre tendu.

La table d’harmonie

La table d’harmonie est une mince planche de bois (en moyenne 8 mm) idéalement plus mince sur ses extrémités qu’en son centre, renforcée par des nervures en bois appelées « raidisseurs » (ou encore « renforts »). Elle est mise en vibration par l’intermédiaire des chevalets, qui lui transmettent la force de la vibration des cordes. C’est certainement la partie du piano où les matériaux employés sont de la plus grande importance. Dans les pianos de qualité, la table est réalisée en épicéa et constituée de planches collées entre elles par leurs bords. L’épicéa est choisi sur ces pianos pour son rapport élevé résistance/poids ; les meilleurs facteurs de piano utilisent d’ailleurs un épicéa avec un bois au grain fin et sans défaut et s’assurent, de plus, que le bois a séché durant une période suffisamment longue avant de l’utiliser. Pour les pianos bas de gamme, elle est réalisée en contreplaqué.

Les chevalets doivent être le plus au centre possible de la table, car les bords de la table sont fixés et ne peuvent pas vibrer ; c’est la raison pour laquelle, sur les très grands pianos, les cordes n’atteignent pas le bout de la table.

Structure

La table d’harmonie, surplombant le barrage

Le piano moderne nécessite une structure solide, notamment pour soutenir l’importante tension des cordes. C’est pourquoi les matériaux utilisés dans la construction d’un piano comprennent le bois massif et des pièces en métal épaisses ; ainsi, même un petit piano droit peut peser aux alentours de 130 kg, un grand piano de concert de type Steinway D pèse 480 kget le plus grand piano à queue actuel, le Fazioli F308 pèse 691 kg ! Le transport de tels instruments est généralement confié à un transporteur spécialisé appelé porteur de piano.

Habituellement, le piano repose sur de grosses poutres, nommées barrage. Sur le piano droit, elles se situent derrière l’instrument.

Sur les pianos très anciens (suivant les marques et les modèles, jusqu’aux alentours des années 1880 à 1910), il n’y a pas d’autre structure de renforcement ; c’est ce qu’on appelle — à tort, puisqu’ils n’ont pas de cadre — des pianos à cadre bois.

Sur le piano moderne, on a commencé à ajouter, du côté des cordes, de petits renforts métalliques, puis de grandes poutres métalliques parallèles sur les pianos à cordes parallèles, puis un cadre monobloc en fonte, permettant le croisement des cordes. On a aussi commencé à croiser les cordes en deux, voire trois éventails. Ce « piano à cordes croisées » permet une meilleure répartition de la tension et un éloignement des chevalets des bords de la table, là où ils sont incapables de vibrer.

Sur certains pianos droits économiques, le cadre métallique est fait de telle manière qu’il n’y a plus besoin de barrage, ce type de cadre est nommé « cadre autoporteur ».

Le piano à queue est quant à lui entouré d’une caisse nommée ceinture.

Entretien et réglages

Le piano nécessite un grand nombre de réglages, en sus de son accord, qui n’est jamais que le réglage de la tension des cordes2.

Pour produire le son d’une note, une soixantaine de pièces mécaniques sont mises en jeu ; toutes peuvent avoir de petits décalages, ou nécessiter un réglage tridimensionnel. Ce travail de réglage est assez long et délicat et nécessite donc d’être réalisé par un accordeur ou réparateur au savoir-faire important.

Avertissement : certaines des opérations sommairement décrites ci-dessous peuvent entraîner des réparations onéreuses si elles sont mal comprises ou effectuées3.

Principales pannes mécaniques

SymptômeCauseRemède
Étouffement insuffisantÉtouffoir portant mal sur toutes les cordes de la note – feutre ou ressort d’étouffoir abîmé ou trop vieux (mites, durcissement, usure) – mécanique pas en place.Régler l’étouffoir par torsion de sa tige, ou mettre les cordes à niveau.
Étouffement insuffisant ou excessifDépart prématuré ou trop tardif de l’étouffoir : garniture de départ d’étouffoir usée (sur la touche des P.Q, sur le bas de lame des P.D.)+ bien d’autres causes mécaniques ou simples (pédale sans garde de repos).Régler la hauteur par action soit sur la vis de fixation de la tige pour le piano à queue, soit par la cuillère (travail très délicat pour le piano à queue, ne pas faire soi-même avant de comprendre la provenance exacte de la panne).
Le marteau reste bloqué sur la cordeÉchappement trop tardif ou course excessive de la mécanique (enfoncement exagéré).Baisser la poupée d’échappement en la vissant (ou corriger la source de la panne : reprise du jeu touche/chevalet, drap usé ou baguette des poupées d’échappement déplacé, enfoncement, bien d’autres causes…).
Le marteau a du mal à atteindre la corde. Jeu incertainÉchappement trop précoce (beaucoup de causes possibles, en général usure ou modification de la géométrie mécanique).Monter la butée d’échappement (ou corriger la source de la panne : baguette des poupées d’échappement déplacée, dressage du clavier, enfoncement, reprise du jeu touche/chevalet, touches ovalisées/mortaises très usées au balancier, bien d’autres…).
Les touches ont du jeu latéral ou sont instables.Usure des draps (casimirs) de guidage de la touche.Tourner la pointe ovale de guidage de la touche jusqu’à disparition du jeu, ou remplacer les feutres de mortaises. Tourner les pointes à l’excès va user très vite le drap restant (frottement sur l’angle de la pointe, puis le bois de la touche). Ce procédé sert plus à égaliser le jeu latéral qu’à réparer l’usure. Le regarnissage des mortaises est une réparation simple et très efficace pour redonner de la stabilité au toucher.
Le marteau se bloque dans l’attrapeAttrapage trop précoce.Régler l’attrape par torsion de sa tige (Avertissement : ceci est le signe de la nécessité d’un réglage complet, ne pas intervenir sur les tiges, toute torsion devra un jour être défaite).
Le marteau se promène librement dans la mécanique (n’attrape pas)Attrapage insuffisant dû aussi aux jeux excessifs, ou à l’usure des feutres.Régler l’attrape (commentaire d’un professionnel : une fois encore, les réglages ne se font que sur des pièces en état, on peut corriger un peu l’usure des attrapes mais la cause est en général ailleurs). Attention également à l’état des surfaces qui doivent s’attraper, si elles sont lisses, le marteau n’attrapera pas.
Le marteau rejoue la note tout seul après relâchement de la toucheRessort de répétition trop tendu (piano à queue) Commentaire : ceci n’arrive pas, sauf si on intervient sans savoir sur les ressorts ou si la mécanique est complètement déréglée.Régler la vis de réglage du ressort (quand elle existe).
Le marteau se remet mal en place – la répétition ne se fait pas.Ressort de répétition trop mou.Régler la vis de réglage du ressort quand elle existe – autrement le travail sur ces ressorts est très délicat, leur remplacement onéreux, une fois tordus l’égalité du toucher est compromise.
Bruit de casseroleAccord non fait (ou marteaux très empreintés + désaccord, ou problème à la table d’harmonie).Accorder (un piano s’accorde une fois par an dans un appartement moderne, avant chaque concert et répétition dans le milieu musical). Le passage régulier de l’accordeur est aussi une sécurité quant à prévenir l’usure anormale de la mécanique, notamment grâce au resserrage des 250 vis qui tiennent les pièces mobiles et même les axes des marteaux de pianos droits. N’hésitez pas à demander si la visserie est bien serrée, les pièces alors ne peuvent se déplacer et s’usent régulièrement (1/2h à 1h de travail de temps à autre selon les conditions d’utilisation et l’hygrométrie).
Les cordes d’une note ne sont pas toutes mises en vibrationLe marteau frappe à côté, ou sa surface n’est pas adaptée au plan des cordes.Recentrer le marteau en agissant sur sa vis de fixation, ou corriger la position de son axe par calage, ou chauffer le manche de marteau, ou adapter sa portée sur les cordes soit en égalisant les hauteurs de cordes ou en ponçant le feutre de la tête du marteau (piano neuf).

Technique d’accord

Intérieur d’un piano à queue

Accord d’un piano droit

Clé d’accord

En principe l’accord du piano se fait selon le tempérament égal. Mais en réalité, parce que le tempérament égal est à la fois laid et difficile à réaliser, les accordeurs emploient un tempérament légèrement inégal[réf. souhaitée].

Le piano s’accorde suivant une certaine hauteur de diapason. L’Europe a connu tout au long de son histoire une grande variété de diapasons, parfois très éloignés les uns des autres. La hauteur du la3 est normalisée depuis 1939 à 440 Hz4, mais les pianos sont souvent accordés légèrement plus haut, jusqu’à 445 Hz, pour plus de brillance. La tonalité d’invitation du téléphone fixe en France (440 Hz) peut servir à vérifier le diapason.

Pour accorder un piano, on utilise une clef d’accord, clef munie d’un embout carré ou rectangulaire sur les pianos antiques ou étoilé à 8 branches, d’une taille correspondant à celle des têtes des chevilles — trois tailles différentes selon les marques —, un assortiment de diapasons, souvent des gants et un plectre, qui peut être confectionné dans une chute d’ivoire, une bande de feutre ou un assortiment de coins destinés à étouffer certaines cordes, les coins étant généralement considérés comme plus efficaces que la bande de feutre.

Le maniement de la clef est délicat : il ne s’agit pas de tourner simplement la clef, car les différentes pentes de la corde migrent avec un certain retard, et doivent être équilibrées entre elles, tout comme les différentes cordes des graves aux aigus.

Il faut tourner la clef en restant bien dans l’axe de la cheville, sans essayer de l’incliner ou de la tordre, ce qui a des effets néfastes sur la tenue d’accord. Pour la plupart des pianos, il faut approcher la justesse par le bas, en ayant très peu à remonter et en laissant l’élasticité de la corde finir le travail, pour éviter de stocker la tension dans le sur-diapasonnement : longueur de corde entre le sillet ou l’agrafe et la cheville, une surtension qui ne ferait que désaccorder le piano par la suite.

En effet, obtenir un piano juste sur le coup est une chose, obtenir un piano qui reste juste longtemps en est une autre. À cette fin, surtout si l’instrument n’est pas accordé régulièrement, et afin d’équilibrer les tensions dans l’instrument, il ne faut pas hésiter à effectuer avant l’accord un, voire deux, ou même trois pinçages : technique de rééquilibrage des tensions généralement employée pour remonter un piano au diapason ; il est souvent préférable de faire en deux visites si le diapason est vraiment trop bas et de reprendre alors l’accordage au bout de quelques semaines ou jours lorsque l’instrument aura travaillé avec les centaines de kilos de tension supplémentaires appliqués. D’une façon générale, l’entretien de l’accord consistant à entretenir l’équilibre des tensions des cordes dans les trois dimensions de l’espace, il ne faut jamais hésiter à faire accorder son piano relativement souvent.

La cheville quant à elle tenant à frottement dur dans un bloc en hêtre, se vrille sur elle-même lorsque l’on tourne la clef. Dans un sommier en bon état, on peut laisser la cheville légèrement vrillée, la tension de la corde la tirant de son côté. Ceci fait en quelque sorte un blocage qui permet une meilleure tenue de l’accord et présente un autre avantage : si le blocage lâche, la corde est légèrement retendue, ce qui est moins perceptible que l’inverse. C’est la bonne tenue (le « calage ») des chevilles qui est le geste le plus long à maîtriser pour l’apprenti accordeur, les pianos réagissant différemment à cause de la glisse plus ou moins bonne des cordes dans les divers coudes. La qualité du son diffère selon la manière dont l’accordeur cale la cheville et équilibre la tension des différents brins situés en amont et aval des sillets.

Sur un piano, la plupart des notes sont produites par plusieurs cordes vibrant en sympathie. Cela fait que si deux de ces cordes produisent une fréquence différente même légèrement, la sonorité devient désagréable ; cet effet peut cependant être recherché pour le piano « bastringue ». L’accord des 2 et 3 cordes ensemble s’appelle « l’unisson ». Les effets de phase entre les cordes, le temps plus ou moins long entre l’impact du marteau et la stabilisation des phases entre elles fait que différents timbres peuvent être obtenus selon la façon d’accorder les unissons ; il s’agit en fait plutôt d’une utilisation de l’énergie sonore mettant plus l’accent sur l’attaque ou plus sur le son rémanent. Par sa frappe et son écoute, l’accordeur génère déjà un type de dynamique sonore qui lui convient.

Pour construire le tempérament, on utilise une octave de référence qui sert de modèle pour toute l’étendue du piano. On commence par accorder une corde en fonction du diapason, en étouffant les autres cordes avec un coin d’accord ou une bande de feutre insérée entre les cordes, puis on trouve la hauteur des autres notes de cette octave en accordant des intervalles et en comparant les battements de partiels que ces intervalles génèrent lorsqu’ils sont plaqués (notes entendues simultanément). Une fois la partition de l’octave de référence réalisée, les autres notes sont accordées octave par octave au moins sur une corde, en réalisant d’oreille des preuves : comparaisons d’intervalles entre eux. Puis on libère une autre corde dans chaque chœur, et on cherche à en faire disparaître les battements. Plus on est proche de l’unisson, plus la fréquence du battement diminue, jusqu’à disparaître. L’accordeur expérimenté prend soin de gérer l’attaque et le son rémanent de chaque note de façon à fournir une sensation agréable et égale tant pour l’oreille que pour les doigts du pianiste qui « écoute » beaucoup avec ses doigts.

Il convient de souligner qu’à la différence des autres instruments à accord par chevilles comme la harpe et le clavecin que l’instrumentiste accorde toujours lui-même, les pianistes qui savent accorder un piano sont très rares. Accorder un piano demande du temps, de la patience et nécessite une formation professionnelle. Suivant l’état du piano (écart à la justesse, élasticité des cordes, importance des frottements : frein du sommier autour des chevilles, frottement de la corde sur ses points de contact), et l’état de l’accordeur (expérience, état de forme, exigence, éventuel bruit ambiant néfaste, présence ou absence d’ outils logiciels), il faut compter de40 minutes à deux heures et demie — hors opérations annexes — pour accorder un piano. Pour un clavier de 88 touches, on compte environ 220 cordes et autant de chevilles qui doivent toutes être vérifiées. Il faut souligner également qu’une tentative d’accord par un amateur non formé sur un piano très faux, nécessitant une tension supplémentaire de centaines de kilogrammes, parfois plus d’une tonne, peut éventuellement se solder par la casse du piano : rupture irrémédiable du cadre.

Il existe des logiciels et des appareils d’accord dédiés au piano ou génériques. Par leur prix et les connaissances qu’ils supposent, ces outils s’adressent à un public de techniciens confirmés et ne sont d’aucune utilité à des amateurs : leur intérêt est de pouvoir travailler dans un environnement bruyant et de pouvoir recopier le même accord d’un technicien à l’autre sur un piano de concert pour le stabiliser au mieux ; ils permettent aussi de proposer une grande variété d’étirement des aigus selon les goûts du pianiste.

La place du piano dans la musique

Deux jeunes filles au piano (peinture de Pierre-Auguste Renoir)

Le piano et les genres musicaux

Le piano est l’un des instruments les plus utilisés dans la musique classique occidentale. Beaucoup de compositeurs sont également pianistes, et utilisent le piano comme instrument de composition ; les chefs d’orchestre sont d’ailleurs souvent pianistes de formation.

Le piano est également couramment employé dans d’autres genres musicaux, tels que le jazz, le blues ou le ragtime, ainsi que la salsa.

On s’en sert aussi mais moins fréquemment dans le rock’n’roll (Elton John, Jerry Lee Lewis, etc.), le rock (Pink Floyd, Queen,Muse, etc.) et dans certains courants pop (ABBA, etc.), il est cependant et de plus en plus souvent remplacé par les claviers électroniques.

Le piano dans la musique classique

Beaucoup d’œuvres, célèbres dans leur version pour orchestre ont été écrites à l’origine pour le piano. Citons par exemple :

À l’inverse, beaucoup d’œuvres du répertoire classique ont été transcrites pour le piano. Citons, par exemple, les transcriptions de Liszt des symphonies de Beethoven.

Le piano est très utilisé en accompagnement de la voix : chœurs, lieders, mélodies…

Il est aussi utilisé en musique de chambre : en duo avec un autre instrument (souvent le violon, la flûte…), trios avec piano, quatuors avec piano, quintettes avec pianos.

Il est également l’instrument soliste dans les concertos pour piano.

Il est aussi bon de noter que le piano est l’instrument pédagogique par excellence car polyphonique, polyrythmique, simple d’utilisation, relativement peu coûteux et suffisamment sonore ; il est donc utilisé dans l’écrasante majorité des classes de solfège des écoles de musique et conservatoires comme instrument principal du pédagogue.

Le piano classique

Le répertoire pour piano classique débute à la fin de l’époque baroque avec Jean-Sébastien Bach et Domenico Scarlatti bien que leurs œuvres aient en général été initialement destinées au clavecin ou à d’autres instruments à clavier. La quantité d’œuvres pour piano-forte ne commencera à se développer qu’avec l’époque classique et les grands représentants de celle-ci : Joseph Haydn et Wolfgang Amadeus Mozart ; Muzio Clementi est aussi parfois considéré comme le premier compositeur pour piano.

Il atteindra sa maturité avec Ludwig van Beethoven et ses successeurs, presque tous grands virtuoses et plus grands compositeurs de leurs époques : Franz Schubert,Frédéric Chopin, Robert Schumann, Franz Liszt, Johannes Brahms

Un peu plus tard, des compositeurs comme Gabriel Fauré, Claude Debussy, Maurice Ravel, Erik Satie, Isaac Albéniz, Rachmaninov, Moussorgsky, Scriabinecomposeront plus véritablement pour l’instrument tel que nous le connaissons aujourd’hui.

Formes employées (piano classique)

Les genres de compositions pour le piano sont principalement :

  • à l’époque baroque (répertoire initialement prévu pour clavecin ou autres instruments à clavier) on retrouve principalement des formes issues de danses et des formes contrapuntiques : la partita, la suite, la fugue, la toccata, la passacaille, la sonate, la gavotte, les variations…
  • à l’époque classique : la sonate, la fantaisie, la bagatelle et d’autres formes aristocratiques.
  • à l’époque romantique, en plus de la sonate, apparaissent des formes plus libres et d’origines diverses : le nocturne, l’Impromptu, le scherzo, la ballade, la fantaisie, la mazurka, la valse, la rhapsodie, le prélude… Cette époque verra aussi la naissance du concerto pour piano dans sa forme moderne, généralement une pièce de bravoure nécessitant une maîtrise complète de l’instrument.

Compositeurs pour piano (hors musique classique)

Le piano trouve sa place dans une multitude de styles musicaux.

  • Tout d’abord le Ragtime et son maître Scott Joplin, avec un style d’écriture rythmique qui influencera particulièrement les générations suivantes de jazzmen.

Modèles

Certains des piano-forte les plus anciens ont des formes qui ne sont plus utilisées : le piano carré, par exemple, avec ses cordes et son cadre dans un plan horizontal comme le clavicorde et sa mécanique similaire à celles des pianos droits. Les pianos carrés furent produits durant le début du xixe siècle ; leur son est considéré comme étant meilleur que celui du piano droit. La plupart n’avaient pas de cadre, même si les derniers modèles comprenaient de plus en plus de métal (ébauches de cadre). Le piano girafe, a contrario, avait une mécanique analogue à celle du piano à queue, mais avec les cordes disposées verticalement comme le clavicytherium ; l’instrument, de haute taille, était cependant assez rare.

Le plus ancien piano-forte se trouve au Metropolitan Museum of Art de New York.

Liste des différents modèles

Deux catégories fondamentales existent :

  1. Les pianos droits (tout sauf le clavier y est disposé verticalement ; les plus grands modèles peuvent sonner en timbre mais pas en volume comme des instruments de concert et servent parfois en studio) ;
  2. Les pianos à queue (tout y est disposé horizontalement, les cordes disposées dans le sens avant-arrière).

Dans ces catégories, on trouve divers modèles dont l’appellation correspond à la taille :

  • Piano d’étude (moins haut que les grands modèles)
  • Piano épinette (le moins haut de tous, rarement moins de 0,90 m. L’appellation[réf. nécessaire] et la définition viennent des États-Unis puisqu’il y fut créé dans lesannées 1930 pour agrémenter les familles moyennes américaines ; sa mécanique étant déportée sous le clavier, comme chez Gaveau qui en fit un, le modèle menuet (de sept octaves du do de 32 Hz à celui de 4096) ; en voie de disparition à la suite du développement des pianos électroniques)
  • Piano console (piano droit dont le mécanisme, bien qu’au-dessus du clavier est ratatiné pour limiter la taille; l’appellation étant anglaise, les américains le considèrent comme plus grand que le précédent, jusqu’à 1,15 m environ)
  • Piano à queue de concert (jusqu’au-delà de 3 mètres, la taille la plus courante étant environ 2,75 m)
  • Piano trois-quarts-de-queue (jusqu’à 2,40 m environ)
  • Piano demi-queue (jusqu’à 2,11 m)
  • Piano quart-de-queue (jusqu’à 1,70 m environ)
  • Piano crapaud (piano à queue plus court que large)
  • Piano girafe (à queue verticale, ne sont plus fabriqués)
  • Piano carré, ou piano-table (piano rectangulaire à disposition horizontale dont les cordes s’étendent entre les côtés ; pouvaient servir de table quand les couvercles étaient fermés, prisé par la petite bourgeoisie entre la fin du xviiie et la deuxième moitié du xixe siècle)
  • Piano de bateau, ou piano commode (piano droit à clavier basculant, pour un moindre encombrement)
  • Piano à pédalier (piano auquel est ajouté un « clavier pour les pieds » et tout ce qui s’en suit, comme sur l’orgue, peu répandu même au XIXe siècle)
  • Piano mécanique (piano muni d’un mécanisme l’actionnant automatiquement).
  • Piano électrique
  • Clavier arrangeur
  • Piano numérique
  • Piano silencieux
  • Clavier maître (il s’agit d’un clavier de piano qui ne produit pas de son, contrôlant un équipement MIDI — par exemple un échantillonneur ou un synthétiseur.)
  • Piano préparé : piano modifié — fréquences des notes, petits objets ou autres intercalés entre le marteau et les cordes, ou glissés sous les cordes — en général en vue de l’exécution d’une œuvre précise, dite « pour piano préparé »
  • Piano jouet : utilisé dans certaines pièces de musique contemporaine, comme dans les interprétations de John Cage par Margaret Leng Tan, ainsi que par certains artistes populaires tel que Pascal Comelade, Chapi Chapo et les petites musiques de pluie et Pascal Ayerbe.
  • Piano ou clavier muet : instrument ne produisant aucun son, destiné à l’exercice sans déranger l’entourage.
  • Pianos exceptionnels : tous les facteurs de pianos réalisent des pianos exceptionnels (artcase) : certains ne sont que des décorations ou des modifications spectaculaires de l’existant (pieds travaillés, marqueterie, peinture) d’autres sont des modifications radicales comme le Pegasus de Schimmel5 ou le M. Liminal dessiné par NYT Line6 et fabriqué par Fazioli. Colmann-France a fabriqué le plus grand piano du monde (5,80 m pour le piano-avion) et le plus grand clavier du monde, avec 127 touches.

Facteurs de pianos réputés

Autres significations

Article connexe : Piano (homonymie).
  • Du fait de sa large diffusion, on a surnommé de nombreux instruments de musique piano :
  • Piano est également un terme italien indiquant une nuance — doucement — opposée à Forte signifiant fort.
  • Piano est aussi l’abréviation habituelle pour « piano de cuisine » et désigne, dans le jargon des cuisiniers professionnels et des gastronomes, un plan de travail et de cuisson.
  • Piano en photographie argentique est un instrument de laboratoire composé de plusieurs volets mobiles utilisé pour chercher le temps d’exposition d’un tirage.
  • Piano est aussi une commune française de la Haute-Corse
  • En argot le piano est le service anthropométrique de la police. Allusion à la prise des empreintes digitales durant laquelle les doigts sont allongés comme ceux d’un pianiste sur le clavier.
  • En navigation, le piano désigne le système de coinceurs qui permettent de centraliser tous les boutes au cockpit, pour permettre le contrôle des voiles par une personne seule qui peut rester à la barre.

Notes et références

  1. Voir le site du facteur Stuart & Sons [archive] Nouvelle-Galles du Sud, Australie
  2. Un piano demande des réglages fréquents : le piano à queue exige un accordage parfait avant chaque concert. Les pianos d’appartement doivent, quant à eux, être accordés environ tous les six mois, selon les recommandations des fabricants. Touches, étouffoirs et autres composants requièrent la même attention. Maints problèmes seront évités par une régulation précise de la température de la pièce, elle doit être comprise entre 18 et 21 °C , ainsi que du taux d’humidité.
  3. Un livre américain excellent pour ceux qui veulent vraiment comprendre la façon de réparer ou de régler un piano est Piano Servicing, Tuning & Rebuilding de Arthur Reblitz, traduit en français en 2005 : Entretien, accord et restauration du piano, Éditions L’entretemps (ISBN 2-912877-32-6) Carl-Johan Forss, un suédois ayant enseigné l’accord, le réglage et la réparation du piano en Norvège, a récemment publié trois ouvrages techniques consacrés à ces disciplines. Cette trilogie de référence (plus de 1500 pages abondamment illustrées) est actuellement traduite et publiée dans plusieurs pays, dont l’Allemagne, l’Angleterre, la France et la Russie.
  4. (en) A Brief History of the Establishment of International Standard Pitch A=440 Hertz [archive]
  5. Présentation du Pegasus sur le site de Schimmel [archive]
  6. Présentation du M. Liminal sur le site de NYT Line [archive]

Annexes

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Piano de Wikipédia en français (auteurs)